QUÉBEC - Les droits de douane américains forcent la main du gouvernement du Québec; le déficit atteindra un nouveau record en nombres absolus pour l’exercice financier 2025-2026 : 13,6 milliards $, soit 2,2 % du PIB. Malgré l’incertitude, le ministre des Finances, Eric Girard, maintient le cap pour l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans.  

Ce déficit sera notamment causé par l’aide du gouvernement aux entreprises afin qu’elles puissent traverser la guerre tarifaire. Le budget prévoit 5,4 milliards $ sur cinq ans notamment pour aider les entreprises à innover et à diversifier leurs marchés. 

Le premier ministre, François Legault, avait télégraphié une augmentation des investissements en infrastructures pour contrebalancer les droits de douane américains. Par conséquent, le Plan québécois des infrastructures (PQI) 2025-2035 est augmenté de 7 % pour atteindre 164 milliards $ sur 10 ans. 

Également, le gouvernement injecte 3,9 milliards $ pour améliorer «l’accès aux soins et aux services offerts aux aînés et aux personnes vulnérables, dont les jeunes en difficulté et les personnes en situation d’itinérance», et 1,1 milliard $ «pour encourager l’éducation et le développement des jeunes Québécois, en valorisant la réussite éducative des élèves». 

Le déficit pour l’exercice financier 2024-2025 est un peu plus bas que prévu. Alors que le ministre Girard avait annoncé qu’il serait de 11 milliards $, il se situera plutôt à 10,4 milliards $. 

Contribution pour les voitures électriques 

Le gouvernement devra aussi aller chercher de nouveaux revenus pour rétablir l’équilibre budgétaire. Certains contribuables seront donc appelés à payer davantage. 

Les propriétaires de voitures électriques devront passer à la caisse. Le gouvernement va instaurer une contribution annuelle de 125 $ pour les véhicules électriques et de 62,50 $ pour les hybrides rechargeables. 

«Cette mesure s’inscrit dans la démarche gouvernementale visant à trouver de nouvelles sources de revenus pour le financement des infrastructures et des services de transport terrestre et à favoriser l’équité entre les utilisateurs de ces services. Elle permettra de compenser en partie la baisse prévisible des revenus provenant de la taxe spécifique sur les carburants», peut-on lire dans le budget. 

Le gouvernement estime que cette mesure, avec l’augmentation du nombre de véhicules électriques et hybrides, va générer des revenus de plus de 150 millions $ par année d’ici 2030. 

Le ministre des Finances va également mettre fin à la gratuité des péages et des traversiers pour les voitures électriques et hybrides. Par contre, on voit le retour du programme «Roulez vert», un rabais pour l’achat de véhicules électriques. 

Le budget prévoit aussi l’abolition du «bouclier fiscal», le gouvernement arguant qu’il s’agit d’une mesure «complexe et peu connue». Il s’agit un crédit d’impôt pour l’incitation au travail. 

«Environ 140 000 personnes seraient touchées annuellement, pour une perte moyenne de 244 $ par contribuable. Toutefois, la très grande majorité de ces personnes ne seraient affectées qu’une seule année, puisque la plupart des particuliers ne bénéficient pas du bouclier fiscal deux années consécutives», écrit-on dans le budget. 

Cette abolition permettra d’engranger des revenus de 138,8 millions $ sur quatre ans. 

Après avoir fait un examen du régime fiscal, le gouvernement en prévoit l’optimisation afin de dégager près de 3 milliards $ sur cinq ans. 

Deux scénario alternatifs envisagés

Dans son budget, le ministre des Finances envisage un scénario où il n’y aurait pas de récession puisque les droits de douane américains ne seraient pas maintenus dans le temps. 

«Le ministère des Finances fait l’hypothèse de base que ces tarifs pourraient être ajustés au cours des prochains mois, que les effets seraient en moyenne équivalents à des tarifs de 10 % et qu’ils pourraient être en place pour une période transitoire d’environ deux ans.»

Le document évoque toutefois deux scénarios alternatifs. 

Le premier prévoit une récession provoquée par la mise en place de droits de douane de 25 % sur l’ensemble des importations américaines pour deux ans, sauf sur l’énergie (10 %). Cela provoquerait une augmentation des déficits prévus et un report de l’atteinte de l’équilibre budgétaire. «Le gouvernement pourrait alors être contraint de demander une suspension de l’application de (la Loi sur l’équilibre budgétaire).»

Le deuxième scénario envisage une résolution rapide de la guerre commerciale avec les États-Unis. Les «déficits seraient moins élevés à court terme et des surplus budgétaires seraient réalisés les deux dernières années du cadre financier.»

Questionné sur le sujet en point de presse, le ministre Girard a dit qu’il pensait qu’il y aurait des droits de douane le 2 avril. «Mais ce n’est pas parce qu’il y a des tarifs le 2 avril qu’il y en aura nécessairement en juin ou en juillet», a dit Eric Girard. 

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, prévoit de maintenir le gel du recrutement pour les fonctionnaires. «Le nombre d’effectifs dans la fonction publique va se stabiliser pour atteindre un juste équilibre entre une offre de services adéquate à la population et un retour à l’équilibre budgétaire. (…) Des exceptions seront cependant possibles pour assurer la prestations des services directs à la population», a-t-elle expliqué. 

«Quel gaspillage!»

Les partis d’opposition à Québec n’ont pas tardé à vertement critiquer le budget du gouvernement. 

«Quel gaspillage! (…) La CAQ va passer à l’histoire comme les rois du déficit. C’est un gouvernement qui récidive en matière de mauvaise gestion des finances publiques. On s’enfonce dans un double échec: déficit record et moins de service», a lancé le député libéral Frédéric Beauchemin. 

«La réponse de la CAQ à l’incertitude, c’est de continuer de couper et d’affaiblir nos services publics avec un budget d’austérité. Tout le Québec a compris qu’on s’en va en récession et que les tarifs de Trump vont faire extrêmement mal. Et que fait la CAQ? Elle en rajoute une couche!», a affirmé la députée solidaire Alejandra Zaga Mendez. 

«Nous étions devant le pire déficit de l’histoire du Québec. Et nous sommes à nouveau devant le pire déficit de l’histoire du Québec, lequel se chiffre à 13,6 milliards $. La CAQ a battu malheureusement son propre record. Or, ce déficit n’est aucunement lié à la situation avec les États-Unis. Il s’agit essentiellement de l’œuvre d’une série mauvais choix», a dit le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon. 

«La situation est insoutenable. Le gouvernement ne peut pas continuer d’augmenter les dépenses deux fois plus rapidement que les revenus. Le montant des prêts aux entreprises a doublé, le Fonds du développement économique a perdu 7 milliards $ depuis 2018, et le gouvernement refuse toujours d’exploiter nos ressources naturelles pour augmenter ses revenus. Plutôt que d’assumer ses erreurs, la CAQ préfère chercher des boucs émissaires à Washington», a dit le chef conservateur, Éric Duhaime. 

La Presse Canadienne. Tous droits réservés.