Les producteurs de lait se préparent à un «combat important»

Photo prise dans une ferme de Granby le 5 février 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi

QUÉBEC - Le «combat» pour protéger la gestion de l'offre au Canada sera «important», selon les producteurs laitiers, qui appellent les politiciens à ne pas prendre de décisions «sous la menace».

«Il faut bien faire les choses», a plaidé le président des Producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil, en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Il prévient Québec et Ottawa contre le risque d'adopter des mesures inflationnistes qui nuiraient aux producteurs pendant la guerre commerciale avec les États-Unis.

Et il les enjoint de ne faire aucune concession sur la gestion de l'offre dans le cadre de la renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain qui s'amorcera prochainement.

M. Gobeil affirme avoir le soutien de la population québécoise. 

Selon un sondage Léger qu'il a commandé, 83 % des Québécois veulent que les gouvernements fassent tout en leur pouvoir pour protéger le système de gestion de l'offre au pays.

Depuis 1972, ce système stabilise les prix au Canada et limite les importations, afin de protéger les industries du lait, des œufs et de la volaille de la concurrence internationale.

Ses détracteurs estiment qu'il représente une ingérence gouvernementale indue dans un secteur économique important, une forme de subvention étatique incompatible avec le concept du libre-échange.

Ce qu'il faut savoir, c'est que les États-Unis ont leur propre système de subventions directes aux producteurs.

Selon Léger, 63 % des Québécois auraient une opinion négative d'un gouvernement qui ferait des compromis sur la protection des producteurs laitiers dans le cadre des négociations avec les États-Unis.

Les données ont été récoltées auprès de 1001 adultes québécois, du 21 au 23 février dernier, mais elles viennent d'être rendues publiques. Comme il s'agit d'un sondage web, on ne peut y attribuer de marge d'erreur.

«D'avoir un signal fort de la population, c'est un puissant message, et pour nous, c'est rassurant», a déclaré M. Gobeil, qui croit que les Québécois comprennent la gestion de l'offre et y sont «sensibles».

Jusqu'à présent, le gouvernement du Québec et celui du Canada ont assuré qu'ils allaient protéger la gestion de l'offre, mais le président américain Donald Trump se fait de plus en plus belliqueux.

Les producteurs laitiers se disent d'ailleurs plus inquiets de la bataille imminente sur la gestion de l'offre que de la menace de M. Trump d'imposer dès le 2 avril des droits de douane «réciproques» de 250 % sur le lait.

Presque tous les produits laitiers du Canada sont destinés au marché intérieur, ce qui signifie que les droits de douane américains n'affecteraient qu'une petite portion du marché.

Il est par ailleurs faux de prétendre, comme le fait Donald Trump, que les producteurs laitiers américains paient des droits de douane de 250 %: ceux-ci s'appliquent uniquement si des quotas ont été dépassés.

En réalité, les Américains suspendent leurs exportations avant d'atteindre ces quotas et évitent systématiquement de payer les droits de douane.

Concernant la gestion de l'offre, M. Gobeil soutient que l'«élastique» a été étiré au maximum. «On est vraiment au point de rupture», dit-il. 

Il rappelle qu'en 2018, le Canada avait accepté de permettre aux producteurs laitiers américains d’accéder à environ 3,5 % du marché intérieur. 

«Pour nous, (...) ça a été très dommageable. C'est la croissance de deux à trois ans qui a été donnée», s'est désolé le président des Producteurs de lait du Québec.

«Un moment donné, on ne pourra plus, au niveau des gouvernements, dire qu'on protège la gestion de l'offre, tout en concédant des parts de marché», a-t-il prévenu.

À l'approche des élections générales fédérales, M. Gobeil entend solliciter de nouvelles rencontres avec tous les principaux partis politiques.

Le Québec compte 4215 fermes laitières qui représentent 37 % de la production laitière au Canada.

La Presse Canadienne. Tous droits réservés.